Si le Code civil interdit de déshériter ses enfants, Placement-direct.fr vous explique comment l’assurance vie peut en réalité vous permettre d’avantager qui vous voulez.
Peut-on déshériter ses enfants avec l’assurance vie ?
En France, contrairement à d’autres pays, la loi protège les enfants (de tous âges) face au risque d’être déshérités. Vous n’avez ainsi pas le droit de rayer vos enfants de votre testament et devez obligatoirement leur léguer l’essentiel de votre héritage, dans des proportions différentes selon le nombre d’enfants. Cette obligation de réserver une part de votre héritage à vos enfants correspond à la « réserve héréditaire », prévue à l’article 912 du Code Civil.
Attention, cette interdiction de déshériter un enfant vaut aussi de votre vivant. Vous n’avez pas le droit de dilapider votre patrimoine en faisant des donations à d’autres bénéficiaires, au détriment de vos enfants.
Qu’il s’agisse de rédiger votre testament ou de faire des donations, la part obligatoirement réservée à vos héritiers atteint les trois quarts de votre patrimoine si vous avez trois enfants ou plus, deux tiers si vous avez deux enfants, et 50% en présence d’un enfant unique, dit le Code civil.
A l’inverse, « Les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s'il ne laisse à son décès qu'un enfant ; le tiers, s'il laisse deux enfants ; le quart, s'il en laisse trois ou un plus grand nombre », selon l’article 913 du Code Napoléon (c’est le surnom du Code civil).
Pourquoi l’assurance vie a un statut spécial ?
Avec l’assurance vie, pas question d’enfreindre les règles du Code civil. Sauf que l’assurance vie a un statut spécial. En effet, vos capitaux placés sur une assurance vie sont considérés comme la propriété de l’assureur, échappant ainsi à votre patrimoine successoral, depuis la loi « Godart » du 13 juillet 1930 « relative au contrat d’assurance ».
En cas de décès, c’est bien l’assureur qui versera un capital aux bénéficiaires que vous aurez librement désignés dans vos contrats. Résultat : sortie du cadre successoral, l’assurance vie a longtemps bénéficié d’une totale exonération.
Aujourd’hui, pour des versements réalisés avant 70 ans, les capitaux transmis restent exonérés jusqu’à 152 500 euros reçus par bénéficiaire (tous contrats confondus), puis taxés à 20% jusqu’à 852 500 euros, et 31,25% au-delà. C’est encore très avantageux par rapport au barème classique des droits de succession !
Comment favoriser ou défavoriser vos héritiers ?
Certes, le Code civil protège vos héritiers, mais ça ne leur donne pas tous les droits. Avec l’assurance vie, vous pouvez favoriser ou défavoriser vos héritiers, entre eux ou au regard d’autres personnes. D’abord vous pouvez disposer librement de la partie de votre patrimoine qui n’est pas réservée à vos héritiers, dite « quotité disponible » (article 912 du Code civil).
Cette quotité disponible varie selon le nombre d’enfants : 50% si vous n’avez qu’un enfant, mais seulement 33% si vous avez deux enfants, et 25% si vous avez trois enfants ou plus.
Si vous voulez favoriser un de vos deux enfants au détriment de l’autre, la loi vous interdit de le faire sur leur « part réservataire », représentant 66% de votre patrimoine, soit 33% « réservés » à chacun. Mais rien ne vous interdit, via une assurance vie, de désigner votre chouchou comme bénéficiaire de la « quotité disponible » restante, soit un tiers de votre patrimoine si vous n’avez que deux enfants.
Sans enfreindre la loi, cela revient à transmettre 2/3 de votre patrimoine à un enfant et seulement 1/3 à l’autre.
Avoir des contrats utiles sans versements exagérés
Qu’il s’agisse de votre quotité disponible ou de la part réservataire de vos héritiers, elle concerne votre patrimoine transmissible. Si vous placez en assurance vie des capitaux pour contourner la part réservataire de vos héritiers et avantager d’autres bénéficiaires (y compris certains de vos enfants), les déshérités peuvent faire un procès aux privilégiés, et les faire condamner à leur rendre l’argent dont vous vouliez les priver.
Mais tout votre patrimoine n’a pas vocation à être transmis. Vous avez le droit de consommer ce dont vous avez besoin. Vous pouvez même placer un capital retraite dans un contrat d’assurance vie, dont vous tirerez des retraits programmés pour compléter vos pensions. Les capitaux en assurance vie placés dans ce contexte, même s’ils peuvent manquer à vos héritiers, ne sont pas forcément considérés par les juges comme faisant partie de leur « part réservataire ».
En cas de procès après votre décès, par un de vos enfants contestant la légalité de tels contrats ayant rogné sur sa « part réservataire », les juges ne chercheront pas à savoir si cet argent relevait bien de votre quotité disponible, ou non.
En revanche, les déshérités pourraient faire annuler le contrat, et la transmission des capitaux au bénéficiaire désigné, si vous y avez placé des sommes exagérées. En effet, le Code des assurances rappelle bien, article L132-13, que les assurances vie n’entrent pas dans la succession du souscripteur. Mais ce même article précise « à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».
Pour qu’un capital en assurance vie échappe aux règles de partage de votre succession, veillez à ce que votre contrat soit vraiment utile pour vous-même, et n’y placez pas des sommes « manifestement exagérées » par rapport à votre situation, au moment des versements.