En assurance vie, vous êtes libre de choisir vos bénéficiaires et d’alimenter votre contrat comme bon vous semble. Dans une certaine limite toutefois. C’est ce qu’à rappeler dans un arrêt du 16 juin 2022, la Cour de cassation.
Assurance vie et primes « manifestement exagérées »
L’assurance vie est considérée comme étant « hors succession ». En clair : les capitaux logés dans un contrat n’ont pas à respecter les règles successorales. Le souscripteur peut ainsi désigner les bénéficiaires de son choix. En outre, les sommes investies ne sont pas assujetties aux droits de succession et suivent une règle fiscale qui leur est propre.
Un garde-fou a été prévu
Toutefois, pour éviter qu’un parent puise utiliser l’assurance vie pour déshériter ses enfants, un garde-fou a été prévu. Si les primes versées sur un contrat sont « manifestement exagérées », ses héritiers peuvent demander à la justice de les intégrer à l’actif successoral du souscripteur décédé. Les capitaux devront alors être transmis en respectant l’ordre successoral (les enfants et le conjoint du défunt, puis ses parents, frères et sœurs…) et seront soumis aux droits de succession.
C’est ce cas de figure qui est arrivé à deux sœurs. Leur mère est décédée, en désignant l’une de ses filles, comme la seule bénéficiaire de son assurance vie dotée d’un capital de 30.500 euros. Estimant la somme « exagérée », la fille lésée porte l’affaire auprès d’un tribunal de grande instance. Déboutée par le tribunal, elle fait appel. La cour d’appel de Douai rejette, à son tour, sa demande dans un arrêt du 18 juin 2020, au motif que la mère disposait, à son décès, d’environ 150.000 euros de liquidités en banque et qu’elle était propriétaire de sa maison et de parcelles de terrain.
Trois critères à apprécier
La fille se pourvoit en cassation. La Cour de cassation lui donne raison. La plus haute instance de la justice française reproche aux juges de fond d’avoir pris en compte uniquement le patrimoine de la défunte. Or, l'article L. 132-13 du code des assurances stipule que le caractère manifestement exagéré des primes versées sur un contrat d’assurance vie doit être apprécié au regard de la situation patrimoniale du défunt, mais aussi de son âge, de sa situation familiale et de l’utilité du contrat au moment du versement.
En s’appuyant seulement sur les 150.000 euros et les biens immobiliers, la cour d’appel de Douai a violé l'article L. 132-13 du code des assurances, estime la Cour de cassation. En conséquence, la Haute juridiction casse et annule la décision en appel. Elle renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Douai, autrement composée.
Avec cet arrêt, la Cour de cassation souligne le caractère cumulatif des critères d’appréciation des primes manifestement exagérées versées sur un contrat d’assurance vie. Les juges doivent, à la fois, apprécier, au moment du versement des primes, l’âge du souscripteur, sa situation patrimoniale et familiale, ainsi que l’utilité du contrat, rappelle la Cour.